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Rapport sur le monitoring des discours de haine au Cameroun en 2021

  REPUBLIQUE DU CAMEROUN                                 REPUBLIC OF CAMEROON

           Paix-Travail-Patrie                                                  Peace-Work-Fatherland

 

Récépissé de déclaration d’association N°00000393/RDA/J06/A2/SAAJP/BAPP

Rapport du troisième trimestre 2021

                                            SOMMAIRE

Présentation de l’organisation

Contexte de l’étude

Les différents types de discours haineux

Les mots/concepts utilisés

Les auteurs/profils des discours haineux

Recommandations/suggestions

Quelques liens des discours haineux et dangereux

I-Présentation de l’organisation

Digital Right Access Association (Digital Access) est une organisation de la société civile de droit camerounais créée en 2016 et légalisé en 2019.  Elle repose sur quatre missions qui sont celles de :

  • Former et éduquer les citoyens sur les droits numériques et les libertés sur internet;
  • Œuvrer pour le respect des droits en ligne dans le strict respect des droits humains au Cameroun ;
  • Promouvoir et accompagner l’accès à la liberté de l’information numérique ;
  • Promouvoir l’universalité numérique et dénoncer les violations des droits numériques.

Les objectifs de l’organisation

            Pour mieux réaliser ses missions, Digital Access s’est assigné les objectifs suivants :

  • Vulgariser les droits numériques par des outils modernes de communication afin de promouvoir les droits humains ;
  • Lutter contre les fake news, les discours haineux et dangereux ;
  • Sensibiliser les populations sur les différents domaines des droits numériques ;
  • Promouvoir la protection des utilisateurs de l’Internet ;
  • Défendre et protéger les victimes des droits numériques ;
  • Lutter contre les diverses violences faites sur Internet et sur les médiaux sociaux ;
  • Œuvrer pour la protection de la vie privée sur Internet ;
  • D’œuvrer pour l’accessibilité numérique afin de réduire la fracture numérique ;
  • D’œuvrer pour le respect de l’éthique et des bonnes mœurs sur les réseaux sociaux ;

Promouvoir la gouvernance de l’Internet.

Domaines d’intervention

Les domaines d’interventions de Digital Access sont entre autres :

  • L’éducation aux droits numériques et aux libertés sur internet ;
  • Monitoring et lutte contre les discours haineux et dangereux en ligne ;
  • Développement de l’entrepreneuriat numérique en contexte camerounais ;
  • Organisation des formations de renforcement de capacité en ligne et en physique ;
  • Organisation des activités de sensibilisation sur les fake news
  • Organisation d’un forum annuel sur l’innovation numérique (FINU).

II- Contexte de l’étude

            L’émergence des réseaux sociaux en contexte camerounais s’est accompagnée d’un ensemble de pratiques et d’usages qui ont générés des fléaux sociaux. Bien que n’étant pas une particularité camerounaise, ces fléaux doivent être combattus. Au rang de ces fléaux, nous avons les discours haineux et dangereux. Dès sa naissance, Digital Access a fait de la lutte contre les discours haineux et dangereux son cheval de bataille.  En effet, le Cameroun est en proie depuis un certain nombre d’années à une montée vertigineuse des discours dangereux de nature protéiformes sur les réseaux sociaux notamment Facebook. C’est dans cette perspective que Digital Access a mis sur pied un projet de monitoring régulier de monitoring des discours de haine afin d’identifier les différents concepts et expressions mobilisés pour produire et diffuser la haine au Cameroun. Un rapport trimestriel sur les discours haineux et dangereux est produit à cet effet. 

            Dans son sens définitionnel, un discours de haine (hate speech) est un « langage abusif ciblant des caractéristiques de groupes spécifiques tels que l’origine ethnique, la religion, le genre, l’orientation sexuelle » (Warner, Hirschberg:2012).Il renvoie également aux  « propos discriminatoires à l’encontre de personne ou de groupe pour divers motifs » Agata de Latour et al. À travers cette définition, il se donne à voir que plusieurs variables entrent dans la classification ou dans la catégorisation d’un discours comme étant haineux ou dangereux. Parmi ces variables, nous avons :

  • le degré d’influence de l’orateur;
  • Les craintes de l’audience;
  • Le fait que l’acte de parole soit compris ou non comme un appel à la violence;
  • Le contexte social et historique;
  • Les canaux de dissémination/diffusion du discours.

Dans le cadre d’émergence des discours haineux et dangereux en ligne au Cameroun, plusieurs faits/évènements se positionnent comme étant des faits structurants et catalyseurs de ces discours depuis 2016 (montée de la violence en ligne au Cameroun). Parmi ces faits, nous avons : la crise anglophone, l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, les marches blanches (marche de contestation de la victoire du président Paul Biya par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun), la non-participation du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun(MRC) aux élections locales de février 2020, etc.

 En termes d’objectif, le monitoring des discours haineux et dangereux en ligne vise un triple objectif :

  • Identifier et documenter les expressions et concepts utilisés dans le cadre de la production des discours haineux et dangereux au Cameroun;
  • Identifier les profils des producteurs des discours haineux et dangereux Limiter ; la propagation des contenus haineux et dangereux en ligne.

Sur le plan méthodologique et pour mener à bien ce monitoring, nous avons utilisé la netnographie comme moyen de collecte des données.  En effet, la netnographie est une « méthode d’enquête qualitative qui utilise Internet comme source de données en s’appuyant sur les communautés virtuelles de consommation. Elle analyse essentiellement – mais pas uniquement – les actes de communication des membres d’une communauté virtuelle de consommation en cherchant à leur donner sens. Le but est d’éclairer une problématique marketing en rapport avec l’objet de consommation, et non d’étudier la communauté pour elle-même (Bernard, 2004 : 52) ».

Nous avons à cet effet exploité les données netnographiques d’avril à juin 2021 à travers des captures d’écran et en copiant les liens de toutes les publications haineuses et dangereuses. La netnographie a ainsi permis d’identifier non seulement les concepts et expressions utilisés pour produire la haine, mais aussi les différents profils, pages et groupes dans lesquels ces pratiques sont produites sur la plateforme Facebook. Le choix de Facebook comme réseau social sur lequel le monitoring des discours haineux et dangereux a été fait n’est pas fortuit.  En effet, d’après le Rapport Hootsuite et de We are social baptisé Digital 2020-Cameroon, plus de 3,7 millions de camerounais sont régulièrement actifs sur Facebook faisant de cette plateforme le réseau social le plus utilisé au Cameroun. Les données recueillies enseignent que les discours haineux sont de plusieurs ordres.

III- Les différents types de discours haineux

Une observation attentive de la plateforme Facebook nous permet de catégoriser les discours haineux en plusieurs catégories : les discours/attaques ethniques, les discours/attaques fondés sur l’appartenance politique et les attaques fondées sur le genre etc.

  • Les discours fondés sur l’appartenance ethnique

Les discours fondés sur l’appartenance ethnique renvoient aux propos de nature péjorative visant à diaboliser et à stigmatiser une communauté ethnique donnée. Ainsi, depuis l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, deux communautés ethniques respectivement les Bamilékés et les Bulu qui représentent l’ethnie de l’opposant Maurice Kamto et celle du président Paul Biya, se livrent une guerre sans merci sur la plateforme Facebook à travers les publications interposées. Les captures d’écran/screenshots ci-dessous illustrent bien cette réalité.

  • Les attaques fondées sur l’appartenance politique

            Les attaques ou discours fondés sur l’appartenance politique sont ceux qui visent une formation politique donnée structurées autour d’un ensemble de stéréotypes et de déclarations infondées. Ainsi, les données collectées durant ce trimestre renseignent à suffire que les attaques fondées sur l’appartenance politique ont été les attaques les plus nombreuses recensées sur la plateforme Facebook. Plus précisément, sur un total de 295 attaques recensées ce trimestre 2021, 198 attaques portent sur l’appartenance politique. Ces attaques sont alimentées et ciblent trois formations politiques en occurrence le RDPC, le MRC et le PCRN comme l’atteste les données netnographiques.

  • Les attaques fondées ciblant le genre

            Ces attaques renvoient à celles qui ciblent en toile de fond les femmes. Les individus victimes de ces attaques le sont uniquement à cause de leur identité de genre. Les femmes sont régulièrement la cible concernant ces attaques au point où l’on assiste à une sorte de violence sexiste en ligne comme l’atteste les captures d’écran suivantes.

IV- Les concepts et expressions utilisés

            En scrutant le contenu des données collectées à travers la méthode netnographique,  l’on se rend davantage compte qu’il existe une manufacture de la haine sur la plateforme Facebook au Cameroun. Cette manufacture est davantage perceptible dans la mesure où, il existe une construction sémantique de la haine au Cameroun. Les auteurs des discours haineux sur le réseau Facebook utilisent un jargon assez particulier. Pour ce qui est des concepts que ces derniers utilisent, nous avons : nkaptolique, Kamtoto, la meute, la tontine villageoise, secte villageoise, parti du famlah, les ethno-fascistes, les totos, population porcine, les zélotes ethno fascistes nombrilistes, gourou, les talibans, les hooligans kamtoiste, les ntah-li-bans etc. pour désigner Maurice Kamto, le MRC ainsi que ses partisans. Sardinard, parti de la sardine,  covid-39, photo du 6 novembre,  Paul Pillard,  quant à eux sont utilisé pour désigner les partisans du Rdpc et le président Paul Biya.  Les mots et expressions comme cabris, kérozène, néo sardinards, nkoagne etc. désignent Cabral Libii et ses partisans. Ces discours sont l’œuvre de plusieurs acteurs vivant au Cameroun et dans la diaspora.

V- Les profils/auteurs des publications haineuses

            Les publications haineuses sur Facebook sont l’œuvre des acteurs aux profils divers et variés. Les auteurs de ces pratiques se recrutent dans toutes les sphères de la société. On retrouve les enseignants d’universités, les hauts cadres d’administrations, les journalistes, les opérateurs économiques, etc. Certains utilisent les identités numériques (faux profils) pour produire la haine en ligne.

Le monitoring des discours de haine de ce trimestre donne à voir que les profils suivants s’illustrent dans la production de la haine en ligne notamment : Mathias Eric Owona Nguini, Patrice Nganang, Dany Claude Abaté, Mathieu Youbi, Patrice Siméon Mvomo, Patrick Mballa, Sismondi Barlev Bidjoka, Francis Mbeng, Poutine Le Lion, Jean Essingan, Nzui Manto Yi Sepsep, El Cantona, Bamiléké Power etc.

            Pour ce qui est des groupes qui s’illustrent dans la diffusion des discours haineux, nous avons les groupes suivants : Tour de défense, La vérité sur le Cameroun, Le Cameroun c’est le Cameroun, Cameroun One Cameroon, la vérité sur le Cameroun, Débat sur l’actualité camerounaise, Kerel kongossa, Le Cameroun est formidable vivons-le seulement.   

V- Recommandations/suggestions

            Au regard de ce qui précède, il est important de souligner que les discours dangereux en ligne au Cameroun sont loin d’être une fatalité. Ils peuvent être combattus si toutes les parties prenantes s’y investissent. Ainsi, à la suite du monitoring de ce trimestre, les recommandations suivantes sont formulées à l’endroit des acteurs suivants : 

  • Les pouvoirs publics
  • Adopter une loi spécifique sur les réseaux sociaux ;
  • Promouvoir l’éducation aux médias et à l’information à partir de l’école primaire;
  • Pénaliser les discours haineux ;
  • Adopter une loi sur les droits numériques et les libertés sur internet ;
  • Initier les partenariats avec les organisations de la société civile etc.
  • Les partenaires au développement
  • Appuyer techniquement et financièrement les organisations de la société civile qui travaillent sur les problématiques des fake news, des discours haineux et dangereux ;
  • Associer/impliquer les organisations de la société civile dans leurs activités ;
  • Participer aux activités des organisations de la société civile qui travaillent sur les questions liées aux discours haineux et dangereux etc.
  • Facebook
  • Insérer les concepts que les producteurs des discours haineux utilisent dans son lexique afin de mieux intercepter les publications porteuses d’attaques haineuses et dangereuses ;
  • Surveiller de près les comptes et profils suivants : Patrice Nganang, Joseph Mbeng, Dany Claude, Alain Nganang, Patrick Mballa, Sismondi Barlev Bidjocka, Mathias Eric Owona Nguini, Patrice Siméon Mvomo qui se sont illustrés ce trimestre par la production des discours haineux et dangereux ;
  • Désactiver les comptes des auteurs des publications haineuses et dangereuses ;
  • Initier des partenariats avec les organisations de la société civile au niveau local afin d’enrichir son glossaire des mots et expressions locales qui sont utilisées pour produire la haine etc.
  • Les organisations de la société civile
  • Organiser les campagnes de sensibilisation sur les dangers des discours haineux et dangereux ;
  • Organiser les séminaires de renforcement des capacités des autres organisations de la société civile sur problématiques des discours haineux et dangereux ;
  • Constituer un réseau national de lutte contre les discours haineux et dangereux en ligne ;
  • Nouer des partenariats avec les organisations dans d’autres pays etc.

VI- Quelques liens des discours haineux

Équipe de rédaction du rapport coordonnée par Arouna Mfenjou

Equipe Digital Access

 

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